Private investigations
Rebond marqué des marchés dans un contexte de discours accommodant de la Fed, d’indicateurs économiques positifs aux Etats-Unis et même en Europe, et de grand-messe annuelle d’Nvidia. Le capital-investissement pourrait être imposé aux épargnants dans le cadre de l’assurance-vie et du plan épargne retraite. Que sait-on de son rendement ?
Macro
Aux Etats-Unis, le FOMC indique que la Fed reste sur un scénario de trois baisses de taux de 0,25% d’ici la fin de l’année (9 gouverneurs se prononcent pour ce scénario – 9 autres attendent 0, 1 ou 2 baisses, 1 se prononce pour 4). Le comité ne s’inquiète pas outre mesure du rebond récent de l’inflation, et augmente ses attentes de croissance pour 2024 de 1,4% à 2,1%, tandis que le taux de chômage prévu passe de 4,1% à 4%. A long terme cependant, les officiels ont relevé leurs estimations, avec des taux attendus à 3,75-4% fin 2025, et 3-3,25% fin 2026. Des données très attendues et commentées, même si leur pouvoir prédictif est notoirement mauvais. Les nouvelles demandes d’inscription au chômage restent modérées à 210 000, et les indicateurs de croissance sont plutôt positifs (le Leading Economic Indicator augmente pour la première fois depuis février 2022, le Philly Fed et les PMI s’améliorent), tandis que les ventes de logements existants augmentent de 9,5% (février). Les taux de défaut des ménages américains restent inférieurs à leur niveau pré-covid, sauf pour les prêts auto (7,7%) et les cartes de crédit (8,5%).
Alors que l’économie allemande est probablement en récession (le PIB est attendu en baisse de 0,1% au T1, après -0,3% au T4 de l’année dernière), l’indice ZEW de sentiment des investisseurs remonte fortement en mars. Le PMI reste néanmoins en territoire de contraction. L’ensemble de la zone € affiche une progression modérée du PMI manufacturier, plus significative du PMI des services. Le PMI composite, à 49,9, se rapproche de l’équilibre. En France, il se dégrade. Enfin, Christine Lagarde avertit que la BCE ne peut s’engager sur des baisses de taux au-delà de la première (sans doute en juin).
Baisse de taux surprise (de 1,75% à 1,5%) de la banque nationale suisse.
La production industrielle et les ventes au détail sont au-dessus des attentes en Chine. Le régulateur accuse le promoteur immobilier Evergrande d’avoir gonflé son chiffre d’affaires de plus de 78 Md$ au cours des deux ans ayant précédé le défaut sur sa dette. Beaucoup plus fort qu’Enron (un petit 600 M$ de surestimation des résultats), et jolie pub pour PwC.
Fin des taux négatifs au Japon où la BOJ remonte son taux directeur entre 0 et 0,1%, la première hausse en 17 ans.
Après avoir touché un plus-haut de près de 74 000$, grâce notamment aux 12 Md$ investis dans les ETF spot depuis leur lancement, le bitcoin est en retrait, et la journée du 18 mars a vu des retraits nets combinés de 154 M$ sur ces mêmes ETF.
Le PIB ne fait pas tout : au classement 2024 des pays où l’on est le plus heureux, les Etats-Unis arrivent 23èmes. Et la France 27ème.
Micro
Parmi les indicateurs avancés de l’économie mondiale, les signaux sont contrastés. Accenture publie un chiffre d’affaires trimestriel stable et des bénéfices par actions en hausse de 10%, et revoit ses objectifs pour l’année à la baisse en raison d’une économie incertaine. Chez Fedex, les résultats surprennent à la hausse, mais c’est grâce au plan d’économies. Le chiffre d’affaires baisse de 2% et le groupe mentionne lui aussi un environnement difficile.
Apple envisagerait d’intégrer Gemini, l’IA de Google, dans l’iPhone. Par ailleurs, la société fait l’objet d’un procès en anti-trust du DOJ et d’une potentielle enquête de la Commission Européenne sur son respect du Digital Markets Act, après avoir reçu une amende de 1,8 Md$ pour abus de position dominante dans le streaming musical.
Dernier en date d’une longue série, Li Auto, constructeur chinois de véhicules électriques, revoit à la baisse ses livraisons pour le premier trimestre, passant d’une fourchette de 100 à 103 000 à 76-78 000.
Reddit réussit brillamment son IPO, en sortant en haut de fourchette (l’opération était sursouscrite 5 fois) et en s’adjugeant une hausse de près de 50% le premier jour de cotation. La veille, Astera Labs, fabricant de connectique pour serveurs qui compte notamment Intel à son capital, clôturait en hausse de 72% après avoir revu sa levée à la hausse de 26% et avoir pricé l’IPO au-dessus de la fourchette.
AstraZeneca lance une OPA à 2,4Md$ (dont un paiement différé en fonction d’une étape réglementaire) sur Fusion Pharmaceuticals, qui développe des anticorps liés à des radioisotopes permettant une radiothérapie ciblée des tumeurs. La prime sur le dernier cours coté s’élève à 92% (126% si le milestone est atteint).
L’entrepreneur multirécidiviste Peter Thiel (Paypal, Founders Future) a vendu 175 M$ d’actions Palantir, dont il détient encore 7%. C’est sa première vente depuis 2021.
Les marques de sport, longtemps plus résilientes que le reste de l’habillement, échappent désormais plus difficilement à la morosité du secteur. Nike publie au-dessus du consensus, mais les objectifs pour les deux prochains trimestres entraînent une sanction du titre (-6%). Le groupe attend des ventes en baisse au premier semestre de son exercice fiscal (tout en maintenant les attentes annuelles à +1%), citant son cycle de lancements et un environnement économique mondial contraint. Quant à lululemon athletica, c’est -15% sur la publication : chiffre d’affaires en hausse de 16% pour le trimestre, mais croissance attendue à 9-10% « seulement » au premier trimestre 2024 en raison d’un changement de comportement du consommateur aisé aux Etats-Unis.
Le fabricant de semiconducteurs Micron publie des résultats positifs alors que le consensus attendait une perte nette et fixe des objectifs ambitieux, porté par le développement de l’intelligence artificielle.
Kering lance un avertissement sur ses résultats. Le groupe prévient que son chiffre d’affaires devrait baisser de 10% au premier trimestre, pénalisé notamment par Gucci (-20%), en Asie-Pacifique notamment.
La minute innovation
Reddit fait partie de l’écurie Y Combinator, l’accélérateur de Mountain View qui investit 500 000 $ dans chacune des startups qu’il accompagne. Il en a financé 4000 à date, dont Stripe, Instacart, OpenAi, Airbnb, Coinbase, et leur valorisation combinée atteint 600 Md$.
OpenAI s’apprêterait à lancer Chat-GPT 5 cet été.
La conférence GTC (GPU Technology Conference) d’Nvidia avait lieu cette semaine. Ce rendez-vous annuel des développeurs réunit quelque 300 000 personnes, à San Jose ou en visio : Jensen Huang is the new Taylor Swift. Points-clefs de l’événement, dont l’annonce d’un nouveau GPU beaucoup plus puissant, Blackwell, en 15 minutes ici. Et, moins technique mais tout aussi intéressant, un court extrait du discours du CEO à Stanford.
Private investigations
Dans le cadre de la loi sur l’industrie verte, dont l’entrée en vigueur est prévue à l’automne, le gouvernement souhaite imposer aux épargnants ayant choisi la gestion pilotée dans leurs contrats d’assurance-vie (sauf pour les profils prudents) et aux souscripteurs à des plans d’épargne retraite un quota de capital investissement de 2 à 15%. Pour les institutionnels, la proportion de private equity dans l’allocation d’actifs n’est que de 7% (500 institutionnels sondés par Fidelity en 2022). Ce « fléchage » de l’épargne ne réjouit pas les associations de consommateurs et France Assurances. Compte tenu du profil de risque et du manque de liquidité de la classe d’actifs, la mesure peut sembler aberrante, d’autant que selon Good Value for Money, la performance de 40 FCPR référencés en assurance-vie s’élève à 3,7% sur les sept dernières années – clairement insuffisant pour compenser les deux inconvénients précités. Qu’en est-il vraiment du rendement du capital-investissement (capital-risque, capital-développement, capital-transmission, infrastructure) ?
Selon France Invest, l’écart de rendement annuel entre le capital-risque et le marché actions (l’indice CAC 40 PME) en France est de 4% sur la période 2012-2022 (1,6% entre 2011 et 2021), avec un alpha quasi-nul pour le capital développement, et plus marqué pour l’investissement en infrastructure (7%). Sur une période de 15 ans, l’alpha serait supérieur à 5% (TRI de 12%). A noter que ces chiffres incluent des fonds en cours de vie, dont la valorisation est calculée, alors que les actifs cotés reflètent en permanence l’offre et la demande. Une autre étude France Invest EY établit un TRI net de 15% pour les fonds clos à partir des millésimes 2008, mais la donnée n’est pas disponible sur plus longue période : le TRI net serait de 12% depuis 1987, mais avec un retour réalisé (participations vendues en raccourci) de 0,87x. Difficile à analyser.
Les données de Cambridge Associates aboutissent à des conclusions concordantes. Pour le private equity hors US, c’est 14% de rendement annuel sur 25 ans, contre 4,5% pour un indice boursier équivalent. Pour le private equity américain, c’est 13% contre 8,5% pour le Russell 3000 mPME.
La surperformance de la classe d’actifs est donc corroborée par les études sur longue période. Restent la dispersion des rendements, la liquidité et la transparence. La dispersion des rendements est beaucoup plus élevée dans le capital-risque que sur les marchés actions. D’ailleurs, 4% des fonds investis dans le capital-risque américain rendent plus de 10 fois les capitaux investis, mais 51% rendent moins d’une fois. En France, toujours selon France Invest, seuls 15% des capitaux appelés réalisent un multiple inférieur à 1x. Pour ce qui est de la liquidité (investissement bloqué pour 8 à 12 ans), elle doit figurer dans l’équation, même si pour les placements long terme que sont l’assurance vie et le plan épargne retraite le sujet doit pouvoir être traité. Quant à la transparence, elle est structurellement moindre puisque l’information sur les sociétés dans lesquelles les fonds investissent est nécessairement limitée. Là, c’est à chacun d’arbitrer entre temps et connaissance disponibles et délégation des choix. Par essence, dans une gestion pilotée, on choisit la délégation.
Reste à comprendre si la performance des FCPR citée en introduction vient d’une structure de frais différente ou d’un défaut de sélection, mais à ce bémol près a priori rien ne milite contre un peu de non coté dans des investissements long terme, à condition de ne pas l’opposer comme on le fait souvent au coté, qui lui aussi finance l’économie réelle.
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Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.
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